Saturday, February 8, 2014

Les hommes et la virginité

© Jupiter
Deux actualités judiciaires ont récemment focalisé notre attention sur la virginité féminine : le procès Fourniret, puis le jugement d’annulation d’un mariage à Lille.

Dans le premier cas, son obsession monstrueuse a mené un pervers à des crimes répétés. Dans le second, un tribunal d’un État laïque a reconnu – en 2008 ! – que la virginité pouvait être « une qualité essentielle » chez une femme. 
Maintenant que les émotions et colères légitimes, ou les indignations compréhensibles se sont exprimées, on peut en tirer quelques constatations. La virginité est une valeur masculine. Quelle que soit la religion, ce sont, au cours des âges, les pères, les frères, les maris qui se sont attribué le droit de veiller sur celle des filles. De ce seul fait, ils disposent sur elles d’un droit de propriété, dans le but de sauvegarder leur conception de l’honneur ou de s’assurer d’une exclusivité qui les valorise.

Fourniret le minable fantasmait d’être « le premier » et n’envisageait une fille qu’il violait que comme un déchet dont il devait se débarrasser après coup. Le marié de Lille, lui, a considéré qu’on lui avait vendu comme neuve une voiture d’occasion. Qu’ont à dire les femmes dans cette logique absurde ? Absolument rien; ce qui les ramène au rang d’objets d’usage pour les hommes. Il n’y a pas si longtemps, on mariait les demoiselles à peine pubères, autour de 14-16 ans. De fait, il était assez rare qu’elles ne soient pas vierges. Continuer aujourd’hui à valoriser la virginité de la même manière relève de la loufoquerie hormonale. Dans les pays où les épousées sont supposées être vierges, sodomie et reconstruction chirurgicale de l’hymen sont des pratiques courantes. La sexualité est une énergie fondamentale que l’on ne bride pas sans dommage, sauf par choix individuel. Avant l’émergence des méthodes modernes de contraception, la perte de virginité comme l’infidélité impliquaient toujours, aux yeux des hommes, un risque d’enfants porteurs des gènes d’un autre, ce qui les annulait eux-mêmes en tant que reproducteurs. D’ailleurs, la seule sexualité avouable pour la morale et la religion devait être reproductrice. La valoriser comme un échange mutuel de plaisir, ciment du couple, relevait de l’obscénité. Or les vierges, garçons ou filles, sont rarement des amants subtils ou experts.
Connaissons-nous une femme qui ait déclaré qu’elle préférait des partenaires sans expérience ? Le fait, désormais acquis, des mariages tardifs, de la contraception, des études équivalentes pour les deux sexes, de la laïcisation du droit et des valeurs a automatiquement relégué l’impératif de virginité à un archaïsme issu de religions résistant désespérément au droit pour chaque individu de rechercher son épanouissement personnel.

Jean-Louis Servan-Schreiber. Journaliste et patron de presse, Jean-Louis Servan-Schreiber a toujours été attiré par la psychologie. Auteur de nombreux ouvrages, il a réussi à conjuguer ses deux passions à travers le magazine Psychologies.
L’affaire Fourniret ne relevait que de l’abjection, celle de Lille aura quant à elle agit comme une prise de conscience qu’il faut remettre certaines pendules judiciaires à l’heure.
Notes
- Le 28 mai, Michel Fourniret et sa femme Monique Olivier ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité pour le viol et l’assassinat de plusieurs jeunes filles.
- Le tribunal de grande instance de Lille a annulé en avril dernier un mariage entre époux musulmans « pour erreur sur les qualités essentielles » de la conjointe, car celle-ci avait menti sur sa virginité.
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